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"Little Women", les quatre filles de Louisa

 

    J’aimerais vous parler aujourd'hui d’une histoire que vous connaissez tous, de près ou de loin, car elle a traversé les générations : elle est même arrivée jusqu’en 2020, à travers un magnifique film de Greta Gerwig ; je veux bien sûr parler des Quatre filles du Docteur March, rebaptisé Les filles du Docteur March par Greta, ou de son titre original, Little Women (oui j’ai jamais bien compris cette traduction).

Une histoire si présente dans la culture populaire qu’elle a eu droit à 6 adaptations au cinéma, 2 adaptations télévisuelles et 2 dessins animés.

 

Mais saviez-vous qu’à la base, cette histoire est née de l’imagination d’une écrivaine de renom ? Je suis sûre que oui, ou tout du moins vous vous en doutiez, puisque j’en parle aujourd’hui. Little Women est donc un roman écrit par Louisa May Alcott en 1868. Mais qui est-elle vraiment ?

 

Eh bien Louisa est née en 1832 en Pennsylvanie : elle est la deuxième d’une fratrie de quatre filles (comme par hasard), éduquée par un père philosophe et une mère travailleuse aux œuvres sociales auprès des immigrants irlandais. Elle a également pour maître et enseignants Henry David Thoreau, poète, et Ralph Waldo Emerson, philosophe transcendantaliste ; elle ne fréquente donc aucune école. Son père est exigeant dans sa manière d’élever ses enfants, et se montre parfois violent avec ses filles ; en outre, il est incapable de subvenir aux besoins de sa famille, donnant lieu à de nombreux conflits entre les parents et contraignant les quatre sœurs à travailler très tôt. Louisa est donc tour à tour professeure, couturière, gouvernante, aide domestique, et bien sûr, écrivaine. 

 

    Vous l’aurez compris, elle est la Jo March de la famille. Elle commence de fait à écrire dès son plus jeune âge, en débutant sa carrière par des contes ; en 1841 (elle a alors 9 ans), elle rédige son premier livre : Fables de fleurs. Devenue adulte, Louisa défend la cause de l’abolition de l’esclavage et de l’émancipation des femmes. L’écriture devient son métier : après avoir écrit un livre sur son expérience d’infirmière durant la Guerre de Sécession (oui, cette femme a vraiment tout fait), elle publie son premier roman, Moods, en 1864 : elle a alors 32 ans. Mais quand est-ce qu’elles arrivent les sœurs March exactement ? Eh bien très tôt dans sa carrière finalement, trois ans plus tard pour tout dire, lorsque Louisa accepte de diriger un journal pour enfants : elle décide alors d’écrire à l’intention des jeunes lectrices une histoire qui les préparera au monde. C’est ainsi que naît en 1868 Les Quatre filles du Docteur March, Little Women en version originale, qui reste aujourd’hui le plus célèbre de ses romans. Et je trouve ça vraiment dommage, cette traduction française, lorsque l’on sait que la figure paternelle n’était pas présente dans le titre original, et à juste titre je présume : en effet, l’accent est mis sur la fratrie, qui crée sa vie loin du Docteur March, sorte de figure mythique, idéalisée et lointaine, à l’opposé de ce qu’a pu vivre Louisa dans son enfance, et dont elle voulait se détacher. 

L’histoire est en effet une sorte de tableau de la vie américaine de la fin du XIXème siècle, et surtout celle de 4 sœurs, de leur vie de famille, guidée par une mère plus que serviable et chacune par une forte volonté de réaliser leur rêves, mêmes les plus fous dans une société patriarcale et liberticide. Jo rêve de devenir écrivaine et ne s’intéresse guère de se marier, ce qui est plutôt considéré comme l’aboutissement de la vie d’une femme, Amy souhaite devenir une peintre reconnue, Meg aspire à un mariage d’amour et à la création de sa propre famille, tandis que Beth préfère vivre loin du monde, entourée de son chat, de ses sœurs, et de son piano, dont elle joue admirablement. Cette oeuvre peut être considérée comme une autobiographie romancée, puisqu’elle s’inspire de la vie de Louisa. Le roman connaît un succès fulgurant : un tel succès qu’elle décide d’en écrire la suite, Good Wives, en français Le Docteur March marie ses filles, en 1869. Trois autres livres viennent compléter en 1870, 1871 et 1886 la saga des March : La filleule du Docteur March, Le rêve de Jo March et Jo et sa tribu, plus connu sous le titre La Grande famille de Jo March.

 

    Mais l’oeuvre littéraire de Louisa May Alcott ne se résume pas qu’au 4 sœurs : en effet, elle écrit en plus d’elles 11 romans, 8 recueils de nouvelles pour enfants, 7 autres recueils de nouvelles dont des œuvres sombres comme Les yeux de Lady McBeth, et 3 romans gothiques qu’elle publie sous le pseudonyme de A.M Barnard.

En 1877, elle est l’une des fondatrices de la Women's Educational and Industrial Union de Boston, qui aide à l’avancement des femmes dans l’ère industrielle. 

Durant la guerre, elle contracte la fièvre typhoïde due à un empoisonnement au mercure : elle souffre dès lors de problèmes de santé chroniques, qui auront raison d’elle : elle meurt le 6 mars 1888 à Boston, deux jours après son père, à l’âge de 55 ans. Si vous voulez en savoir plus sur elle, ses chroniques et son journal intime ont également été publiés.

Ceux et celles qui ont vu le film auront peut-être été étonné.e.s de la fin, qui est légèrement différente du roman original ; sans vouloir trop en dire, Greta Gerwig, la réalisatrice du dernier film, explique qu’elle a voulu donner à Jo et à Louisa May Alcott la fin qu’elles auraient souhaité, aimé, et qu’elle n’a pas pu écrire à l’époque sous la pression des éditeurs, et pour pouvoir garder sa liberté et ses droits d’autrices. Je suis sûre que Louisa apprécie le geste. Simone de Beauvoir a dit un jour : “Il y eut un livre où je crus reconnaître mon visage et mon destin : Les quatre filles du Docteur March, de Louisa May Alcott.”

 

En tout cas, cette histoire nous a prouvé que les écrivaines et réalisatrices n’ont pas écrit et réécrit leurs derniers mots. 

 

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