Aujourd’hui, nous allons revenir sur un événement qui a bousculé le monde de la littérature, et celui de beaucoup d’autres domaines en passant. Il a eu lieu le 10 octobre dernier… vous savez de quoi je veux parler ?
Une remise de prix, la plus importante de l’année, qui existe depuis 118 ans maintenant…
Je veux bien sûr parler du Prix Nobel ! Et celui de littérature était pour le coup très attendu cette année… D’ailleurs, 2 lauréat.e.s ont ainsi été annoncé.e.s : Olga Tokarczuk et Peter Handke ! Est-ce que vous savez pourquoi ?
Tout simplement parce que le prix avait tout bonnement été annulé l’année dernière ! Olga Tokarczuk est donc la lauréate 2018, qui aura attendu un an pour se voir remettre son fameux trophée… Revenons sur cette histoire qui avait bousculé l’organisation de la cérémonie !
Effectivement, en 2018, l’Académie Suédoise, chargée de remettre chaque année le fameux Prix Nobel de littérature, s’est retrouvée au cœur d’une affaire on ne peut plus sordide, affaire qui aujourd’hui encore, laisse comme un goût amer… Tout commence en novembre 2017, lorsque la journaliste Matilda Gustavssony publie les témoignages de 18 femmes accusant le français Jean-Claude Arnault de viols et d’agressions sexuelles. Cette homme n’est autre que l’époux de la poétesse et académicienne Katarina Frostenson, et entretient donc des liens très étroits avec l’Académie Suédoise et le tout Stockholm. A l’époque, Sara Danius, professeure spécialiste de la littérature suédoise et essayiste, est la secrétaire perpétuelle de l’Académie ; elle demande l’ouverture d’une enquête interne au sujet de l’académicienne et de son mari, et demande de voter pour le retrait ou non de celle-ci des rangs de l’Académie. Alors que son mari se vante de pouvoir influencer les votes de participant.e.s parce qu’il en est comme “le 19ème membre”, c’est un non qui l’emporte majoritairement : l’Académie renouvelle sa confiance à Katarina Frostenson et Jean-Claude Arnault, poussant quatre autres académiciens à démissionner. Frostenson se mettra d’elle-même en retrait à la suite de cette affaire.
Sara Danius, elle, est gentiment poussée à quitter ses fonctions par l’Académie. Elle annonce par la même occasion se retirer de son fauteuil d’académicienne. Il ne reste au final que trop peu de membre à l’Académie pour remettre son Nobel : le prix est repoussé l’année d’après, une première depuis la Seconde Guerre Mondiale… et c’est ainsi que nous nous retrouvons cette année avec deux lauréat.e.s. Je présenterai succinctement Peter Handke : il est l’un des auteurs allemands les plus connus de sa génération, et a travaillé sur de nombreuses pièces de théâtre, ouvrages et films aussi, notamment ceux de Wim Wenders. Mais il paraît être un choix discutable au vu de ses positions douteuses dans la Guerre d’Ex-Yougoslavie et de sa présence aux funérailles de son ancien président accusé de génocides et de crimes contre l’humanité. Olga Tokarczuk, lauréate 2018, semble être un choix beaucoup plus intéressant. Parlons donc un peu d’elle, elle qui a attendu toute une année que son nom soit choisi…
Olga Tokarczuk est une femme de lettres polonaise, mais elle est avant tout psychothérapeute de formation. Engagée, anti-conservateurs, écologiste, et humaniste, elle est la 15ème femme à être primée au Nobel depuis sa création. Influencée par Carl Jung et William Blake, elle se consacre totalement à l’écriture à partir de 1997 et écrira pas moins de 18 romans, dont un, Sur les ossements des morts, sera porté à l’écran en 2017 par la réalisatrice Agnieszka Holland sous le titre Spoor. Olga est co-autrice du scénario, et le film est sélectionné dans trois festivals la même année : le Festival International du film fantastique de Neuchâtel, le Festival de Sundance, et la Berlinale.
Olga, elle, aura reçu 6 prix dans sa carrière, le Nobel venant clôturer magnifiquement (et provisoirement nous l’espérons), ce joli palmarès.
Mais un événement vient tristement assombrir cette affaire qui semblait pourtant bien se finir : nous apprenions samedi 12 octobre le décès de Sara Danius, atteinte d’un cancer du sein. Elle laisse au monde de la littérature des écrits brillants sur des auteurs classiques, des études novatrices, des prix littéraires prestigieux et le souvenir d’une femme intègre et passionnée : elle fut et reste aujourd’hui la première et seule femme à avoir exercé la fonction de secrétaire perpétuelle au sein de l’Académie suédoise.
D’autres femmes prennent la relève derrière elle : elle nous prouvent alors que les écrivaines n’ont pas écrit leur dernier mot.
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