Cette semaine, nous allons nous attarder sur un genre prospère de la littérature, notamment depuis le début du XXème siècle où il fait son entrée dans le game du roman à succès. Popularisé par Aldous Huxley et son Meilleur des mondes (même si ce n’était pas du tout son intention), rendu célèbre par le 1984 de George Orwell, je veux bien sûr parler de… la dystopie !
Et le roman dont j’ai choisi de vous parler aujourd’hui raconte une histoire vieille de 35 ans et pourtant si ancrée dans les mémoires, née de l’imagination d’une écrivaine de renom. Il a tellement marqué les esprits que Hulu décide en 2017 d’en faire une série, Elizabeth Moss en tête d’affiche : je veux bien sûr parler de La Servante Écarlate !
Paru en 1985, écrit par la talentueuse Margaret Atwood, l’histoire de Defred, Servante vêtu de rouge, employé par un régime dictatorial pour assurer la reproduction des êtres humains porter les enfants des autres femmes devenues stériles, marque les esprits et les générations. Pour créer son univers, Margaret s'inspire de plusieurs faits historiques, notamment de la Secondes Guerre Mondiale, des camps de concentration, et de l'Étoile jaune que les Juifs devaient porter. En créant Gilead, cette dictature de la fertilité, Atwood voulait répondre à une question effrayante : quelle forme prendrait un système totalitaire s’il devait s’instaurer aux Etats-Unis ?
Elle rédige son roman en 1984 : elle habite alors Berlin-Ouest ; le Mur n’est pas encore tombé, et cache une Berlin-Est en souffrance. Margaret Atwood raconte qu’elle se souvient “de ce que les gens lui disaient, et ce qu’ils ne disaient pas”. Qu’elle était obligée de faire attention à ce qu’elle disait, de peur de mettre en danger d’autres personnes. Ce contexte et ses sentiments se sont retrouvés dans son livre. Elle déclare à ce propos : “Certains romans hantent l'esprit du lecteur, d'autres celui de l'auteur. La Servante Écarlate a fait les deux.” Defred et les servantes sont devenues des symboles de la lutte pour la liberté des femmes et celle de l’humain en général.
Le roman est si célèbre que même la fameuse phrase découverte par Defred, “ne laissez pas les salopards vous exterminez”, est devenu un slogan populaire.
La Servante Écarlate est la première dystopie de l’autrice : vendu à plusieurs millions d’exemplaires à travers le monde, il est devenu un classique de la littérature et permit de faire naître la légende Atwood.
Mais Margaret ne compte pas que l’histoire de sa Servante dans la liste de ses succès : depuis qu’elle a commencé à écrire dans son Canada natal en 1955, à l’âge de 16 ans, Margaret Atwood a écrit pas moins de 17 romans, 11 recueils de nouvelles, 17 recueils de poésie, 7 essais et 2 albums jeunesse. Elle enseigne pendant presque 10 ans dans 5 universités différentes, même alors qu’elle étudie toujours à l’université d’Harvard.
Elle reçoit pas moins de 35 prix, dont on peut citer la médaille E.J Pratt, le prix Arthur C Clarke ou encore le Booker Prize… Elle est d’ailleurs depuis plusieurs années l’une des favorites au Prix Nobel de littérature : en 2017, le lauréat Kazuo Ishiguro, écrivain et scénariste britannique, s’est même excusé, je cite : “d’avoir obtenu le Nobel à sa place”.
En 2015, elle participe au projet “bibliothèque du futur” de l’artiste écossaise Katie Paterson, qui consiste à réunir 100 manuscrits d’auteurs et autrices du monde entier afin de les éditer et les publier en 2114. Atwood lui remet donc cette année là le manuscrit de son livre Scribbler Moon, que vous ne pourrez lire que dans 94 ans : avis donc aux lecteurs et lectrices de l’année 2114, restez à l'affût ! Ceci étant dit, elle est la première des cent auteur.rice.s à participer à ce projet.
Il y a quelques mois, Margaret Atwood nous livrait, 35 ans après le commencement, la suite de La Servante Écarlate, intitulée Les Testaments. Alors qu’elle était consultante sur la série, et veillait au bon respect de son univers, tout en permettant des saisons digressives de l’histoire originale, elle nous offre cette année, à 79 ans, une toute nouvelle aventure, et nous raconte enfin ce qu’il arrive véritablement à la servante écarlate et à la société de Gilead. Paru le 10 octobre 2019, le livre s’est vendu à plus de 100.000 exemplaires en 5 jours en Angleterre, ce qui équivaut à un livre toutes les 4 secondes. Courez vite dans votre librairie la plus proche, il n’y en aura pas pour tout le monde !
D’ailleurs, Margaret vient déjà de recevoir le Booker Prize 2019 pour son roman, qui est l’un des prix d’excellence les plus importants du monde de la littérature. Elle gagne ce prix aux côtés de Bernardine Evaristo, écrivaine anglo-nigériane, première femme noire à recevoir ce prix.
La première réaction de Margaret Atwood à l’annonce de sa récompense ? “Je suis très surprise, j’aurais pensé que je suis trop âgée”.
Comme quoi, Margaret Atwood nous prouve aujourd'hui que les écrivaines n’ont pas écrit leur dernier mot, et ne sont pas prêtes de le faire.
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