La chronique d’aujourd’hui ne portera pas sur une, mais deux écrivaines, parce que je suis généreuse et que j’aime vous présenter femmes talentueuses. En effet, ce matin, j’ai choisi de vous présenter deux visages de l’empowerment et du féminisme noir, qui ont bousculé les mondes et mouvements littéraires et féministes par leur réflexions et leurs écrits engagés : aujourd’hui nous parlons de Djamila Ribeiro et Joice Berth.
Peut-être ne connaissez-vous pas ces noms ; je vais vous raconter leur histoire.
Commençons par la première. Djamila Ribeiro naît à Santos, au Brésil, en 1980, d’un père docker et d’une mère employée de maison chez une famille blanche. Seule enfant noire de son école dans son enfance, elle découvre le féminisme et ses textes fondateurs en travaillant à la bibliothèque de la Maison de la culture de la femme noire. Déjà militante, elle intègre l’université de fédérale de São Paulo pour y étudier la philosophie.
Elle est aujourd’hui philosophe et chercheuse en philosophie politique, après avoir soutenue une thèse portant sur les féministes Simone De Beauvoir et Judith Butler, en faisant des liens avec la condition féminine noire. A l’université, elle crée d’ailleurs un centre d’études sur le genre et la race. Son activisme sur internet n’a pas manqué de faire connaître son nom, et elle est notamment chroniqueuse en ligne pour le magazine brésilien CartaCapital.
En 2016, elle est nommée Secrétaire adjointe aux droits humains à São Paulo, et donne des conférences au siège de l’ONU. C’est elle qui écrit également l’avant-propos du livre Femmes, race et classe de la philosophe et féministe Angela Davis, dans une édition alors inédite au Brésil. Activiste de poids et écrivaine de talent, elle publie deux livres portant sur le féminisme noir en mai 2019 : Chroniques sur le féminisme noir et La Place de la parole noire. Le premier réunit des articles dans lesquels Djamila propose des discussions sur les origines du féminisme noir et sur le racisme, mais également sur des cas concrets concernant des célébrités, l’impact des réseaux sociaux ou même des situations du quotidien. Elle aborde des concepts et des sujets tels que l’intersectionnalité, l’autonomisation des femmes et l’intolérance religieuse, et ajoute même un essai autobiographique qui lui permet de parler de la mise sous silence de la culture noire à travers des événements de son enfance.
Le deuxième livre questionne le droit à la parole dans une société normée par la masculinité, hétérosexualité et la blanchité. Cette “place de la parole” mis en avant par l’autrice déstabilise cette norme et propose une multiplicité des voix dans une société régie par une voix unique.
Djamila Ribeiro est aujourd’hui une figure emblématique du féminisme noir : grâce à elle, notamment, et parce qu’elle est invitée dans les plus grandes universités du monde, la place de la parole noire est désormais au programme.
Parlons maintenant de Joice Berth : architecte et urbaniste de formation (mais elle a aussi suivi des études de psychanalyse), elle décide d’écrire, sur son blog et pour des journaux comme CartaCapital, des articles abordant les questions raciales, de genre et de “droit à la ville”. Je vous citerai des chroniques telles que “Les chemins de l’équité dans la planification urbaine” ou “Où sont les architectes féminines noires?”. De nombreuses entreprises et universités brésiliennes la réclament en conférence, et en 2018, elle est invité à l’université d’Oxford dans le cadre du Forum sur le droit à la ville. Elle est aujourd'hui une théoricienne renommée de l’empowerment et de l’autonomisation rattachée au féminisme noir. Elle mène des conférences dans tout le Brésil, termine même une maîtrise en géographie humaine à l’université de São Paulo. Plutôt pas mal pour une seule personne.
Mais vous vous doutez bien que si je vous parle de ces deux spécialistes, ce n’est pas par hasard ! Et bien vous êtes des petits malins : effectivement, en 2015, Joice Berth rencontre Djamila Ribeiro, à travers leur engagement commun pour le féminisme noire. Djamila propose alors à Joice d’écrire un livre pour une collection qu’elle coordonne. C’est ainsi que naît Empowerment et féminisme noir. L’objectif de Joice : résumer de façon simple et didactique ses recherches sur l’empowerment, c’est à dire la “capacité d’agir”. A présent, c'est chose faite, et grâce à elles, le monde avance.
En tout cas, Djamila et Joice, à travers leur histoire, nous prouvent que les écrivaines n’ont pas écrit leur dernier mot.
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