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Mary Shelley, Haifaa Al-Mansour

" J'ai reconnu en Mary Shelley une âme sœur. J'ai grandi en Arabie Saoudite, dans un environnement où les femmes n'ont pas les mêmes droits que dans la culture occidentale et en tant qu'artiste, j'ai dû me battre pour faire entendre ma voix. Mary Shelley est l'histoire d'une jeune femme en passe de devenir adulte dans la société conservatrice du XIXème siècle, qui cherche à s'exprimer et à s'affranchir des superstitions." Haifaa Al-Mansour

 

        Au premier abord, Mary Shelley peut paraître surprenant : le nouveau film d'Haifaa Al-Mansour, seule réalisatrice saoudienne, préoccupée par la place de la femme dans la société contemporaine de son pays (comme en témoigne son premier film, Wajda) décide de raconter l'histoire d'une écrivaine britannique de l'époque victorienne.

Le sujet peut sembler éloigné des thématiques actuelles et de la culture de la réalisatrice; et pourtant, elle n'ont jamais semblées aussi proches.

L'expérience d'Haifaa trouve écho dans celle de Mary, écrivaine britannique à qui l'on a toujours répété qu'écrire appartenait aux hommes. A force de convictions et de volonté, elle a réussi a écrire l'un des romans les plus célèbres de la littérature gothique : Frankenstein.

 

> Lire la biographie de Mary Shelley

 

L'histoire de Mary, c'est l'histoire d'Haifaa : deux femmes qui luttent pour s'imposer et pour faire valoir leurs droits et leur travail dans une société qui ne reconnaît pas leur place.

Son travail pour ce film est très différent de celui de Wajda : c'est le premier film en anglais de la réalisatrice et le premier film en costumes, pour sa première fois à Hollywood. Beaucoup de premières fois pour la première réalisatrice saoudienne.  Pour ce projet, Haifaa Al-Mansour s'entoure de plusieurs femmes : Emma Jensen au scénario, Amelia Warner à la musique, et un casting aux nouvelles carrières : Elle Fanning dans le rôle titre, Maisie Williams, Douglas Booth, Bill Powley, Tom Sturridge ou encore Ben Hardy.

Parlons à présent du film en lui-même : d'un point de vue technique, la réalisation est maîtrisée, et la photographie de David Ungaro est très belle. Cette lumière diffuse, ces plans nocturnes ou sombres, associés aux décors victoriens et aux costumes du XIXème siècle, participent à la création d'une ambiance gothique propre à l'univers de Mary Shelley.  La musique d'Amelia Warner, connue pour avoir composé la bande originale du film Mum's List et la musique de la série Leading Lady Parts, est excellente, faisant penser aux compositions de son homologue Danny Elfman dans ce qu'elle a de sombre et enchanté.

Côté scénario, il est tenu d'être un peu plus critique : le début de la vie de Mary est privilégié, au détriment du processus de création au cours duquel elle écrit Frankenstein et de sa vie d'autrice. Les éléments biographiques sont en partie fictionnalisés afin que cette histoire puisse être racontée dans un film d'une heure et demi. 

 

        Somme toute, Mary Shelley est un très bon film, parlant à toutes les générations et délivrant un message féministe actuel : le problème de Mary, son combat, c'est celui des artistes féminines d'aujourd'hui. Haifaa Al-Mansour dit d'ailleurs à ce sujet :

" Ces jeunes gens repoussaient les limites de la société. Enlevez leur leurs costumes et je pense que tous les jeunes de dix-huit ou dix-neuf ans pourront facilement se retrouver en eux. "

A travers Mary Shelley, Haifaa Al-Mansour parle des femmes d'aujourd'hui, de la jeunesse, des préjugés et des normes restrictives de la société, et au final, continue le travail qu'elle avait commencé sur Wajda : parler de la femme qui rompt les codes et s'affranchit des règles. Et alors que Wajda avait été refusé aux Oscars et n'avait jamais été projeté en Arabie Saoudite, Haifaa Al-Mansour décide d'infiltrer Hollywood et de faire passer ses idées de l'intérieur. 

Une belle revanche.

Lorsqu'elle parle de ses héroïnes, elle dit :

" Ce sont des femmes qui écoutent leur cœur sans remords, en dépit des normes et des attentes de la société, et qui triomphent sans faire de compromis. "

 

A son image, finalement.


Pour écouter la chronique Divines consacrée à Haifaa Al-Mansour, afin de découvrir en quoi elle a changé le cinéma, c'est juste ici.

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